Ce n’est pas naturel de parler de nos échecs. Encore moins avec enthousiasme. Après avoir vécus mon meilleur échec, mes émotions initiales ont été la frustration et la déception profonde. Je me suis sentit ainsi pendant 3 jours jusqu’à ce que je décide de m’assoir et de faire des recherches pour essayer de comprendre ce qui s’était passé. Le tout s’est graduellement transformé en une grande leçon d’humilité et m’a permis de faire plusieurs apprentissages. Le déclencheur de cette transformation; la lecture de cette phrase trouvée tout simplement en tapant «échec» dans Google :
« Un échec, c’est seulement une tentative infructueuse qui nous offre la possibilité d’apprendre, autant sur nous, que sur la situation. Pour mieux recommencer.»
C’est à ce moment que j’ai commencé à mettre en mots mes réflexions. J’ai écrit mes réflexions dans le but d’y voir plus clair. C’était l’étape #1 de mon processus d’acceptation.
Quelques jours plus tard, un collègue à qui j’avais confié avoir écrit mes réflexions m’a suggéré de partager mon expérience devant le personnel et les partenaires de notre entreprise. Après tout, nous venions de redéfinir les valeurs de notre organisation. L’une d’elle était «le partage» que nous définissions ainsi :
« Nous partageons nos expériences, bonnes et mauvaises, parce qu’elles sont des occasions d’évoluer. »
Quelques mois avant cette mini conférence, j’avais présenté au même groupe de personnes la façon dont j’établissais mes objectifs sportifs ambitieux, mon agenda d’entraînement, mon prochain Ironman, etc. Leur partager l’échec qui s’en suivait n’était pas naturel…
Quoi de mieux que de prêcher par l’exemple !? J’ai accepté de partager cette mauvaise expérience, d’expliquer pourquoi ce fut si difficile pour moi, mais surtout, ce que j’en ai retiré.
Après plusieurs essais et changements, j’ai appelé cette présentation « Mon meilleur échec».
En voici les grandes lignes.
Mon parcours sportif
D’abord, un bref historique de mon parcours sportif. Je suis un ancien sédentaire avec beaucoup de surpoids. Après le décès de ma mère en 2003, je suis déménagé à Toronto pour changer de milieu et améliorer ma compréhension de l’anglais. Mon employeur du temps maintenait un gymnase exclusif aux employés dans ses bureaux. Pour y avoir accès, nous devions passer un test physique avec l’entraineur attitré aux employés. L’expérience fut extrêmement désagréable et humiliante. En plus d’avoir des résultats médiocres pour mon âge, l’évaluation comprenait le calcul du taux de gras en utilisant le fameux test avec les pinces… Me mettre presque nu et me faire pincer par cette personne alors que mon poids était à son plus haut niveau à vie. Ouf! La décision était prise, j’allais me mettre en forme. Régime drastique et entrainement cardiovasculaire intense. Huit mois plus tard, j’avais perdu 100 livres.
2005, retour à Québec pour le travail. Je découvre alors le plaisir de la course à pied. Quelques personnes de mon entourage étaient des coureurs. J’ai alors commencé avec eux à participer à différentes courses à pieds.
Depuis ce temps, j’ai multiplié les courses sur routes, puis les courses sur sentiers, le vélo de montagne, le vélo de route, le ski de fonds, puis les triathlons. J’ai notamment participé aux événements officiels suivants :
· 10 marathons
· Plus de 15 * 10KM officiels
· 2 * Défi des escaliers de Québec
· Plus de 10 demi marathons
· 2 * 30 km
· 2 * Ultimate Xc (Tremblant & St-Donat)
· 2 * Québec Mega Trail (environ 50KM sur sentier)
· 1 * Raid des caps (38km)
· 5 * Ironman (4 complétés)
Bref, depuis 2005, je m’identifie et me réalise beaucoup à travers le sport. Pendant cette période, l’échec n’avait pas réellement fait partie de ma vie.
Ma personnalité
Encore aujourd’hui, je suis un excessif dans tout, intransigeant, entêté, je veux plaire et l’image de la réussite est primordiale pour moi. Je suis accro au travail et à l’entrainement. Je suis incapable d’être arrêté ou au repos. J’aime la sensation physique et émotionnelle qui suit l’effort physique intense.
Mon attitude avant l’échec
Voici quelques phrases que j’ai dites haut et fort à plusieurs reprises avant de vivre mon meilleur échec.
· «Il n’y a que les lâches qui abandonnent.»
· «Il y en a des plus rapide que moi, mais personne n’est plus déterminé que moi.»
Mais quelle arrogance! Cette attitude, c’était avant le 19 août 2018…
Mon échec
Nous y voilà. Mon échec est d’avoir abandonné au Ironman Mont-Tremblant 2018 dans les premiers kilomètres de la portion course de l’épreuve.
Entendez le bien : « J’ai abandonné par choix! » Je ne me suis pas cassé le pied, ni tombé en vélo. Mon corps aurait certainement pu continuer en prenant une période de repos. J’ai délibérément décidé de quitter. Je me suis dit « f…ck off! Je m’en vais chez moi » …
J’aurais dû m’ajuster à la situation plutôt que d’abandonner. Marcher jusqu’à la fin aurait été si simple. Je l’avais d’ailleurs déjà fait lors d’une autre course. J’ai plutôt arrêté à une tente médicale, en sanglots. L’intervenante a rapidement évalué ma condition. J’étais légèrement déshydraté. Après quelques minutes de repos, elle m’a suggéré de marcher jusqu’à la ligne d’arrivée ou de partir avec eux en camion. Accepter sa deuxième option est ma pire erreur à ce jour.
Évidemment, ce n’est que du sport. C’est dans la symbolique de ce choix que se trouve toute son importance. J’ai créé une brèche dans mon esprit, dans ma volonté. Depuis que je faisais du sport, j’avais intégré la discipline comme valeur et je n’avais jamais rien abandonné d’important depuis.
Maintenant, j’ai peur de moi. Vais-je le refaire? Dans d’autres sphère de ma vie?
Erreurs techniques et de préparation
La première chose que j’ai analysé lorsque j’ai décidé de rédiger mes réflexions fut les erreurs techniques que j’ai faites pendant l’entraînement préalable et pendant la course.
Pourquoi m’attarder aux erreurs techniques en premier? Parce qu’y chercher des réponses ne fait pas trop mal. J’ai alors identifié les erreurs suivantes:
· Changer ma chaine de vélo la veille du dépôt des vélos. J’ai été incapable de le faire correctement. C’était pourtant un exercice simple, mais dans ce moment de stress d’avant course, j’ai oublié de couper la chaine à la longueur requise. J’ai donc rendu une visite d’urgence au mécanicien du coin le samedi matin pour corriger le tout. Mon vélo est demeuré mal ajusté lors de la course et j’ai vécu une période de stress intense pendant la nuit la plus importante avant la course.
· Stratégie d’alimentation et d’hydratation non préparée. Je n’avais pas testé ma nourriture et mon hydratation en entraînement. Je me suis dit : « j’ai de l’expérience. Je vais simplement manger ce qui sera fourni sur le parcours. » C’est pourtant un des éléments le plus important dans ce type d’événement d’endurance. Dès le premier ravitaillement de vélo, j’ai réalisé que je n’aimais pas la nourriture fournie. S’est ensuite installé un mal à l’estomac, puis la déshydratation.
· Ne pas avoir apporté une bouteille d’eau pour m’hydrater avant le départ de la course. Comble de malheur, le départ fut retardé d’une heure puisque le lac était couvert de brouillard. Les participants qui s’étaient réchauffé dans l’eau, dont moi, y sont demeurés puisque c’était alors l’endroit le plus confortable. Après cette attente j’avais très froid et j’avais déjà soif.
· Blessure au talon quelques jours avant l’épreuve en entrainant l’équipe de soccer de mon fils. C’était une des dernières pratiques de l’équipe. Un partie parents-enfants s’imposait. Malheureusement, un de mes talons n’a pas apprécié l’effort intense requis dans des souliers très peu adapté au terrain naturel sur lequel nous jouions. La douleur au talon m’empêcha presque de marcher pendant 2 jours.
Le résultat global fut de débuter la course avec une confiance ébranlée par l’accumulation de ces éléments.
Facteurs atténuants
La deuxième chose que j’ai analysé est le contexte dans lequel j’ai complété mon entraînement et la course.
C’est à ce moment que la réflexion a commencé à faire mal…
Plan d’entraînement trop court et partiellement respecté. J’avais attendu longtemps avant de m’inscrire à la course pour finalement le faire de façon impulsive à la mi-mai. Je n’avais alors que peu de temps pour me préparer. J’ai improvisé un plan d’entraînement que j’ai partiellement respecté jusqu’à la course. Des changements à mon milieu de travail avaient amené des questionnements nombreux, des périodes de stress et plusieurs nuits d’insomnie. J’ai escamoté plusieurs sessions d’entrainement à cause de cette situation. Je me suis consciemment mentis pour me convaincre que les entraînements complétés seraient suffisants. J’avais évidemment suffisamment d’expérience pour savoir que je n’étais pas physiquement prêt pour la course.
Ensuite, je me suis entraîné dans un contexte émotif difficile. La séparation de ma conjointe du temps m’avait profondément affecté émotionnellement dans les derniers mois avant la course. Elle avait été un ingrédient essentiel lors des préparations de mes trois premiers Ironman. Je voulais faire cette course en partie pour me prouver que je pouvais le faire seul et pour éviter d’attribuer cet abandon à notre séparation. Je voulais aussi cacher à mon entourage ce moment de faiblesse. Après l’échec, j’ai réalisé qu’il s’agissait d’importante sources de motivation négatives. J’ai compris que ces motivations ne pouvaient pas me mener vers la réussite. Pour utiliser un cliché, mon «mental» a lâché pendant la course. Mes motivations étaient pourtant positives auparavant.
Mes apprentissages
On y est. Voici les leçons apprises de cette situation. En les lisant vous vous direz intérieurement : « mais c’est évident. Il n’avait pas compris ça avant!» Connaitre et comprendre une chose ne fait pas en sorte qu’on l’intègre. Intégrer ces leçons m’a demandé de l’effort et m’en demande encore.
· Je ne suis pas sans faille. Je vivrais d’autres échecs sportifs et dans d’autres sphère de ma vie. Je devrais les traiter comme des opportunités et non comme une fin.
· Me soucier de mon état mental fait partie de mon entraînement.
· Responsabilisation - « Reconnaitre les faits est le premier pas vers l’amélioration et le respect de ses engagements. » Je n’ai pas toujours respecté mon plan. Je connaissais très bien les effets négatifs qui en découlerait. Je l’ai fait quand-même.
· Rigueur - « Appliquer des processus simples et efficients ». Les entraînements planifiés fonctionnent. Pourquoi avoir tenté d’en faire des différents?
· Technique
o Tester et planifier mon alimentation en prévision de la course
o Préparation de mon matériel (de mes outils) avant de quitter la maison.
o Planification de course en fonction de mes résultats à l’entrainement
Ces apprentissages sont de nature sportive, mais sont facilement transposables aux autres sphères de nos vies. Faites l’exercices.
Whats next?
Maintenant: Qu’est-ce que je fais avec ça? J’en prend conscience et je passe à un autre appel !? Vous comprendrez que si j’ai pris le temps d’écrire ce texte, ce n’est pas le cas.
J’ai réalisé dans l’exercice que l’homme que je vous ai décrit au début existe toujours. Il a juste changé un peu au passage. Mes comportements n’ont pas changés drastiquement. J’ai cependant intégré ces apprentissages et j’essaie de m’en servir au quotidien.
Comme dernière étape de mes réflexions, je me suis fixés les objectifs suivants pour les 12 mois suivants mon meilleur échec:
· Mettre l’accent sur mon travail pour mener à bien un projet majeur en cours. S’entrainer pour un Ironman demande beaucoup de temps. Le travail et la famille sont occasionnellement impactés négativement au cours de l’entrainement. Il est normal de leur consacrer davantage de temps après pour rétablir l’équilibre.
· Maintien de la forme et amélioration technique – Jusqu’à cet échec, je planifiais seul tous mes entraînements et n’utilisais aucun professionnel pour m’encadrer. Mes prochains plans d’entraînements seront développés par des professionnels. J’utiliserais aussi les moyens technologiques pour suivre mon évolution (GPS, cardiomètre, calculateur de puissance à vélo, site de suivi d’entraînement, etc.)
· Retrouver le plaisir simple du sport. Pour se faire, je participerais à quelques épreuves sportives pour le plaisir.
· Bénévolat à des courses pour rencontrer des gens et redonner au sport. J’ai été un «taker» suffisamment longtemps, c’est à mon tour de donner au sport. Remercier les bénévoles c’est bien, participer directement à mon tour c’est encore mieux.
· Réaffirmer pourquoi je participe à des événements d’endurance
o Donner l’exemple à mes deux fils
o Inspirer des gens autour de moi
o Conserver une image positive et forte de moi
o Maintenir mon poids
o Pour le plaisir parce que ce type d’épreuve me donne le sentiment de vivre intensément.
· Compléter un Ironman en 2019
o L’objectif était à nouveau de réaliser mon meilleur temps à vie.
o Mes fils devaient être présents pour leur faire vivre cet événement.
La réussite est grisante
Ironman Lake Placid, 28 juillet 2019.
Ce fut mon triathlon le plus lent à vie. Un de mes objectifs était pourtant de réaliser mon meilleur temps sur cette épreuve. Quelque chose d’inattendu s’est produite lors de la portion course à pied de l’épreuve. J’y ai rencontré un autre coureur qui était sur le point d’abandonner. Je suis arrêté près de lui et ai commencé à discuter avec lui. Après quelques minutes, je lui ai proposé de marcher tout le reste de la course avec lui. Au diable le temps record! Ce fut une très belle expérience, j’ai eu le sentiment d’aider quelqu’un et j’ai eu du plaisir à le faire. En plus, mon père et mes deux garçons étaient, comme prévu, sur le long du parcours et à la ligne d’arrivé pour m’accueillir. Mon cœur de père était évidemment dans tous ses états en les voyant. 😊
Ça y est! Je suis de nouveau un Ironman. Mais surtout, j’ai retrouvé confiance en moi.
Pour transformer l’échec en opportunité d’apprentissage il faut :
En terminant, je résumerais en utilisant les mots d’un de mes collègues. «Pour transformer l’échec en opportunité d’apprentissage il faut :
· qu’on constate l’échec plutôt que se défiler;
· qu’on admette nos torts;
· qu’on les accepte;
· qu’on se pardonne; et
· qu’on en sorte grandi et plus fort.
Je vous souhaite de vivre votre meilleur échec.
Simon
Comments